Cantique de l’Infinistère


Cezallier vue de la motte de Brion

Cezallier vue de la motte de Brion – Copyright H Sentucq

François Cassingena -Trévedy. Un moine-marcheur. Un pèlerin. Une montagne aimée: le Cézallier (dans le Cantal). Et c’est un chant, une poésie, un cantique oui,  qui coulent dans ce livre dont on ne sait plus vraiment qui est maître de quoi ou qui ? Est-ce le moine qui guide ses pas sur les chemins ou l’inverse, est-ce l’appel de la montagne, sa beauté et son âpreté. Est-ce son âme qui s’élève et chante, inspirée par Dieu ou par les Dieux païens et autres forces telluriques du lieu ? Qui emmène qui sur quels chemins ?

Le Cézallier est le berceau d’une partie de ma famille. C’est là où j’ai probablement chaussé mes premières paires de ski de fond (au Luguet). C’est le massif vers lequel on se tourne pour voir si l’hiver qui approche : « ah tiens, le Luguet est blanc ». C’est un endroit sauvage d’une beauté qui doit tout justement à ce lieu qui semble retiré du monde.  Alors c’est vrai que j’étais un peu en terrain connu. Mais  il n’est pas nécessaire de connaitre les lieux pour les avoir en tête. Les descriptions de François Cassingena -Trévedy vous emmènent sur les chemins comme si vous y étiez et les paysages sont là, devant vos yeux.

Cet « infinistère » est déroutant, si l’on peut parler ainsi d’un ouvrage retraçant un pèlerinage, une marche à travers la montagne. Je dois vous l’avouer, au d à part je pensais me plonger dans un livre d’un ennui profond. Qu’est-ce que l’auteur pouvait bien avoir à dire pendant autant de pages sur sa marche ? Et puis l’on se prend à son vagabondage, tant physique que spirituel.

Et ce n’est pas juste une histoire de pas à travers des paysages presque désertiques, ce sont aussi des rencontres humaines qui racontent l’histoire de cette vie, là-haut. Une France « profonde » parce que justement elle s’attache à un essentiel lié à la terre, aux animaux et aux saisons.

Ce « cantique » est aussi un hommage, ou mieux, un renouveau des plus beaux cantiques de notre patrimoine : le Cantique des Cantiques, mais aussi et surtout le Cantique du Soleil de St François d’Assise. A son tour, comme son saint patron François Cassingena-Trévedy, chante sa propre ode aux créations divine, là où l’humain rejoint le cosmos et vibre de cette fraternité.

Enfin, la raison pour laquelle cette vagabonderie est délicieuse à la lecture c’est pour toute la poésie qui s’en dégage et une utilisation de la langue française comme il est très rare de la lire maintenant. Lire un écrivain qui la manie aussi bien, qui utilise tant un vocabulaire riche que des phrases magnifiquement construites, c’est suffisamment rare pour être souligné. Je ne parle même pas des références érudites : entre la Bible, les philosophes grecs et Dante, c’est pléthore de renvois et de recoupements littéraires. Du bonheur.

 

Je ne saurai vous laisser sans vous donner un extrait :

« Qu’on me pardonne cette assertion sacrilège, mais le sacré n’est installé ni à Jérusalem, ni à Rome, ni à Compostelle (…). Le sacré réside bien moins dans le but du chemin qu’il ne vagabonde, pour ainsi dire, dans le chemin lui-même, qu’il ne s’étire, avec les caprices d’un ruisseau, avec la souplesse d’une couleuvre, tout au long du chemin. Il est dans chaque pas de l’homme qui marche, dans chaque motte de terre qu’il foule, dans chaque rencontre inopinée qu’il fait : rencontres géologiques, botaniques, animales, humaines, angéliques (sait-on jamais ?), et probablement divines. Il est moins dans les lieux saints, dans les lieux patentés comme saints, que dans une sorte d’ « utopie » qui laisse au plus obscur  lieu-dit la chance de devenir  un pôle, comme au pèlerin la liberté de faire ses dévotions ou cela lui chante. Il est dans le simple être là des arbres, des rochers, des bestiaux, des hommes ; il est dans ces alcôves de pâtures que les fayards trapus protègent de la bise, dans ces rus miraculeusement limpides dont la fraicheur coupe les jarrets, dans ces silhouettes individuelles des montagnes auxquelles un coup d’œil rustique a donne jadis un nom familier, concret ou truculent. » P.89

Cantique de l'infinistere

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