Un silence religieux – Jean Birnbaum

Je sais bien que la période de vacances appelle parfois des lectures plus légères.  Mais nous ne pouvons pas vraiment dire que notre été fut « léger », alors, il est peut-être bon, même en mode ralenti, même sur la plage, de tenter de comprendre. Généralement, je ne parle dans mes pages que de livres spirituels. Ici je vais un peu m’égarer vers l’essai politique, mais parce qu’ « Un silence religieux » de Jean Birnbaum en vaut vraiment la peine en ces temps où le terrorisme frappe durement. Le livre se penche sur les raisons qui empêchent la gauche de prendre l’islamisme au sérieux. Et Jean Birnbaum s’insurge contre les « Ce n’est pas l’islam »…  « Ce ne sont pas des musulmans » quand on parle des attentats faits au nom de l’Islam. Parce que pour lui, si, ces personnes sont bien musulmanes, d’une dérive extrême certes, mais elles le sont. Et le nier, c’est nier d’une part le phénomène religieux qui poussent des gens à passer a l’acte, et c’est aussi nier tout le travail des théologiens musulmans et des imams qui vivent un islam modéré et dénoncent ces dérives extrémistes. On ne peut pas dire « Ces personnes ne sont pas musulmanes » et demander aux musulmans justement de clamer haut et fort que leur islam n’est pas celui des terroristes. C’est incohérent.

En bref, L’auteur démontre que la gauche a toujours voulu voir la religion en général, comme la somme de phénomènes, sociaux, économiques et non pour ce qu’elle est. Par exemple, on va tenter de démontrer que tel terroriste venait d’un quartier défavorisé, qu’il était délinquant et qu’en prison etc… Le phénomène religieux a été caché sous le tapis pendant des années parce que depuis les Lumières et surtout Marx pour la gauche, « l’opium du peuple » serait consommé par des personnes qui se refusent à la modernité, à la science etc… C’est se voiler la face.

J’ai trouvé très intéressant que Jean Birnbaum refasse un point un peu philosophique sur cette notion d’ « opium du peuple » développée par Marx. Cela remet les choses dans leur contexte. Et puis, l’auteur s’est aussi penché sur l’aveuglement de la gauche face aux phénomènes islamistes pendant la guerre d’Algérie et pendant la révolution iranienne. Il démontre que la révolte religieuse a été écartée dans les esprits pour n’y voir que des luttes de libération contre un impérialisme, contre un système politique. Bref, la gauche n’a jamais évalué la montée islamique comme une force politique à part entière, mue par des idéaux qui se basent, certes, sur des absolus religieux.

Au-delà de l’analyse propre à l’islam et à sa dérive islamiste, j’ai trouvé le texte extrêmement pertinent avec un raisonnement qui va bien au-delà de la gauche et de l’islam. Et pour moi l’éclairage de Birnbaum colle parfaitement à ce qui bloque dans la société française en général (à mon humble avis), et qui n’est pas seulement propre à la gauche et à l’islam :

• Une idée venue des Lumières et amplifiée par les luttes communistes que la révolution apporte le progrès et que le progrès et la science ne sont pas compatibles avec la religion (simple croyance païenne, puisque personne n’a prouve scientifiquement l’existence de Dieu).
• En conséquence, les croyants seraient quelque part des abrutis (au sens premier du terme) qui refusent de voir et de penser le monde contemporain. (j’espère avec ce blog, pouvoir contribuer à démontrer le contraire…)
• Fermer ses yeux, se boucher les oreilles pour ne pas voir et entendre le phénomène religieux, c’est passer à coté d’une composante tout de même essentielle d’une société, et sans pour autant que cette dernière soit extrême. Le « privé » n’est pas si privé que cela.